Le FMI distingue régulièrement un groupe de pays dont la croissance économique dépasse celle des économies avancées, tout en affichant des niveaux de développement encore inégaux. La Banque mondiale, quant à elle, modifie périodiquement ses seuils de classement en fonction de critères fluctuants, ce qui place certains États dans une position instable sur la scène internationale.Certains États membres du G20 se retrouvent pourtant absents de plusieurs listes de puissances émergentes, alors que des économies de moindre taille y figurent parfois en raison d’indicateurs spécifiques. Cette diversité complique toute tentative d’établir un classement universel et stable.
Qu’est-ce qu’une puissance émergente ? Définition et critères essentiels
Depuis les années 1980, le terme puissance émergente alimente sans relâche les discussions économiques internationales. On l’emploie pour désigner des pays émergents à la croissance vigoureuse, mais dont les standards de vie diffèrent encore nettement des grandes économies industrialisées. L’émergence ne se limite pas à l’évolution du PIB : elle se traduit aussi par une avancée industrielle rapide, une modernisation assumée et une intégration soutenue dans les circuits financiers et commerciaux mondiaux.
Critères retenus par les institutions internationales
Pour mieux appréhender l’identification de ces pays, plusieurs critères récurrents sont analysés par les grands organismes internationaux :
- Croissance du PIB : il s’agit d’un rythme rapide, durablement supérieur à celui de la moyenne mondiale sur plusieurs années.
- Diversification industrielle : multiplication des secteurs d’activité et montée de l’industrie manufacturière.
- Amélioration du revenu par habitant en parité de pouvoir d’achat, sans pour autant rejoindre celui des économies les plus avancées.
- Ouverture accrue à l’international, que ce soit pour les échanges commerciaux ou l’apport de capitaux étrangers.
Le FMI et la Banque mondiale s’appuient sur ces axes pour dessiner leurs listes de pays émergents. Toutefois, chaque institution dispose de ses propres critères d’analyse, et le groupe varie d’une époque à l’autre. À leur échelle, ces nations font bouger les lignes : près de 60 % de la croissance du PIB mondial leur revient ces dernières années. Leur ascension ne fait pas que du bruit dans les chiffres : elle s’accompagne d’une montée sur la scène politique, d’une visibilité internationale croissante et de profonds bouleversements sociaux sur leurs territoires. Reste que le portrait-robot du pays émergent échappe à toute uniformité : l’émergence joue sans cesse à l’équilibriste.
Les principales puissances émergentes aujourd’hui : panorama et classement
Sur le terrain économique, certains pays tiennent désormais le haut du pavé. Le groupe des BRICS, Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, capte l’attention quand on parle de marchés émergents. La Chine s’est imposée comme pilier industriel mondial et laboratoire d’innovation. L’Inde se développe à grande vitesse, forte d’une population jeune et d’une économie numérique en plein essor. La Russie s’appuie sur ses ressources énergétiques pour renforcer ses positions. Le Brésil combine force agricole, puissance industrielle et paradoxes politiques. L’Afrique du Sud tire parti de son rôle de locomotive sur le continent africain.
À côté, d’autres géants avancent aussi : les Nouveaux Pays Industrialisés (NPI) d’Asie, Corée du Sud, Taïwan, Singapour, Hong Kong, ont depuis longtemps transformé leur économie grâce à la montée en gamme technologique et commerciale. Le groupe Next Eleven, formé de pays tels que la Turquie, le Mexique, l’Indonésie, le Vietnam ou encore le Nigeria, nourrit de véritables ambitions malgré des trajectoires souvent incertaines.
L’ordre d’arrivée des principales puissances émergentes ne cesse d’évoluer, selon les investissements et les cycles économiques. Leur part dans le PIB mondial dépasse aujourd’hui les 40 %. Ce n’est pas un bloc monolithique, mais un rassemblement de pays capables de remettre en cause les équilibres établis.
Quels enjeux géopolitiques et économiques pour ces nouveaux acteurs mondiaux ?
La montée en puissance de ces États modifie structurellement l’ordre mondial. La géopolitique s’en trouve transformée : la multipolarité gagne du terrain, là où la domination occidentale se croyait durable. Les BRICS expriment leurs ambitions, s’attachant à peser dans la gouvernance économique, contestant le vieux leadership des institutions traditionnelles. Leur influence va bien au-delà de leur croissance : ils interviennent sur les négociations clés, cherchent à orienter les règles du jeu et élaborent parfois des alternatives aux modèles dominants.
Bien au-delà des relations internationales, leur percée bouleverse le commerce, l’investissement et la structure de secteurs stratégiques. Les exportations gagnent en diversité, les investissements directs étrangers s’intensifient, la répartition des chaînes de valeur s’ajuste. La Chine s’est imposée comme référence industrielle, l’Inde innove dans le numérique, la Russie module le tempo du marché de l’énergie. Le dynamisme de ces économies attire nouveaux investisseurs et entreprises prêtes à conquérir ces territoires de croissance.
Avec cette montée en puissance, ces pays revendiquent un poids réel dans la gouvernance mondiale. Au sein du G20, ils exigent que leur voix compte. Ils interpellent les grandes économies et réclament de revoir les règles d’un système international jugé daté. La France et l’Union européenne doivent aujourd’hui composer avec ces nouveaux rapports de force.
Sur le plan politique, ces États multiplient les alliances au sein de leur région ou avec des pays du Sud. Désormais, l’échiquier mondial ne se borne plus à un unique scénario, mais s’organise autour de pôles, parfois solidaires, parfois rivaux.
Impacts sociaux et défis internes : entre opportunités et fragilités
L’essor des pays émergents transforme la société, l’économie, l’espace urbain. L’industrialisation et la croissance bousculent le quotidien, tout en soulevant de nouveaux défis. Une classe moyenne émerge, dope la consommation intérieure, favorise l’investissement. L’urbanisation s’accélère, les métropoles s’étendent, les emplois se créent, la pauvreté recule parfois.
Mais la progression laisse aussi des traces : les inégalités sociales persistent, voire se creusent dans certains cas. Le fossé s’agrandit entre villes innovantes et campagnes à la traîne, entre élites urbaines et groupes plus vulnérables. L’urbanisation galopante provoque congestion, manque d’infrastructures, pression sur les services essentiels. Les travailleurs peu qualifiés peinent à suivre le rythme d’un marché de l’emploi transformé.
Voici quelques-unes des fragilités et défis internes que ces sociétés affrontent :
- Inégalités territoriales : l’accès à l’éducation, aux soins ou à l’emploi reste profondément inégal dans bien des régions.
- Gouvernance : gérer pleinement ces mutations demande une organisation solide pour préserver la cohésion sociale et la stabilité politique.
La croissance, aussi spectaculaire soit-elle, ne gomme pas les vulnérabilités. Pressions démographiques, défis écologiques, nouvelles exigences citoyennes : autant d’obstacles pour des trajectoires déjà contrastées. Pourtant, ces pays continuent d’avancer, entre envolées de développement et menaces de fragmentation. Leur influence, avec ses hauts et ses bas, dessine déjà la carte du XXIe siècle.


